Découvrez comment le marché de l'art contemporain a connu un ralentissement significatif en 2023 : les tendances, les ventes aux enchères et les comportements des collectionneurs permettent de comprendre l'impact de la récession économique et les changements de comportement d'achat sur ce marché précieux et passionnant.
Les tendances du marché de l’art contemporain en 2023
Art Basel, un rassemblement mensuel qui accueille l'élite des marchands d'art moderne et contemporain, une multitude de collectionneurs assistés par leurs conseillers, et environ 80 000 visiteurs, est souvent considéré comme un bon indicateur de l'état du marché. La dernière édition, qui s'est déroulée du 15 au 18 juin à Bâle, en Suisse, ne fait pas exception. En résumé, l'art d'après-guerre et contemporain est toujours onéreux, parfois hors de portée pour le citoyen moyen qui achète avec ses yeux, son cœur et ses économies modestes. Cependant, les collectionneurs les plus fortunés, qui dépensaient sans compter, ne sont plus prêts à acheter à n'importe quel prix.
Il y a quelques années encore, les œuvres des artistes les plus recherchés comme Picasso, Louise Bourgeois ou Basquiat se vendaient en un instant. Parfois même à des prix phénoménaux. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. En mai, un tiers des œuvres de Picasso mises aux enchères ont été vendues au prix de réserve, voire bien en dessous, selon le courtier Thomas Seydoux. À Bâle, une toile de Picasso proposée pour 25 millions de dollars (22,9 millions d'euros) par la galerie Landau n'a trouvé aucun acquéreur. Les connaisseurs de la foire suisse n'avaient pas oublié que huit mois auparavant, cette même toile s'était vendue pour moins de 10 millions de dollars chez Sotheby's...
Après le boom post-Covid-19, des vents défavorables soufflent désormais sur le commerce de l'art. La zone euro est entrée en récession, tandis qu'en mai, la Réserve fédérale américaine a augmenté son taux directeur principal, le plus élevé depuis 2006. "L'argent a maintenant un coût", admet Iwan Wirth, cofondateur de la galerie Hauser & Wirth.
Ajuster les prix de l’art contemporain
Les ventes difficiles de mai 2023 ont refroidi les envies de dépenses des collectionneurs américains. Les premières victimes sont les jeunes talents dont les œuvres se sont vendues en un rien de temps ces dernières années.
En février, le site Artnet a relevé une baisse de 28 % en 2022 dans les revenus générés par les ventes d'œuvres d'Avery Singer, une jeune artiste peintre new-yorkaise qui avait été exposée à la Biennale de Venise en 2021. Il en est de même pour Christina Quarles, une artiste américaine métisse et queer en vogue, dont un tableau s'est vendu à 4,5 millions de dollars en mai 2022.
Depuis, aucune de leurs œuvres n'a atteint un prix aussi astronomique. Ce n'est pas surprenant : ces deux artistes ont rejoint une galerie puissante, Hauser & Wirth, qui vend leurs œuvres à des prix très élevés, limitant ainsi les perspectives de bénéfices pour les spéculateurs.
Même si l'ère de la spéculation est révolue, l'histoire est là pour encourager la prise de risques. La peintre française Claire Tabouret, dont les œuvres étaient vendues pour 10 000 euros en 2013 par la galerie Isabelle Gounod, atteint maintenant des sommets. Depuis que François Pinault a jeté son dévolu sur ses toiles figuratives aux couleurs fluo, l'artiste est très recherchée. En mai 2021, l'une de ses toiles représentant des débutantes de bal de fin d'année, drapées dans leurs taffetas bleus, s'est vendue pour 870 000 dollars. Sans égaler ce record, une autre version, représentant des jeunes filles en froufrous blancs, est partie en février pour 529 200 livres sterling (598 000 euros).
Cependant, les marchands de second marché, qui ne travaillent pas directement avec les artistes, savent maintenant qu'ils doivent ajuster leurs prix. Per Skarstedt l'a fait lors de la foire de Bâle, en proposant une œuvre de Christopher Wool pour 3,8 millions de dollars. "Nous l'aurions affichée beaucoup plus cher il y a deux ans", admet Maria Cifuentes, directrice de l'antenne parisienne de la galerie. Le peintre américain, connu pour superposer, tordre et effacer les images, a longtemps vu ses prix grimper aux enchères, à son grand désarroi. Cependant, en mai, l'une de ses œuvres estimées à 20 millions de dollars a été vendue pour moitié moins chez Christie's.
Privilégier les valeurs sûres de l’art contemporain
L'ambiance d'incertitude pousse généralement à l'achat d'artistes reconnus, des valeurs sûres dont la cote ne risque pas de s'effondrer, quelles que soient les vicissitudes de l'économie mondiale. Mark Rothko, l'un des grands maîtres de l'abstraction américaine de l'après-guerre, fait normalement partie de ces artistes. Pourtant, lors de la foire de Bâle, l'une de ses toiles à la palette éclatante, provenant de la collection prestigieuse de Paul-Mellon, n'a pas trouvé acquéreur pour 60 millions de dollars à la galerie Acquavella.
Le galeriste Christophe Van de Weghe, qui présentait un tableau de Jean-Michel Basquiat, The Ruffians (1982), pour lequel il demandait 22 millions de dollars, attend toujours qu'un collectionneur, qui avait manifesté son intérêt, prenne une décision. Il y a trois ans, le marchand new-yorkais avait rapidement vendu une autre toile de l'artiste, décédé d'une overdose en 1988, pour 36 millions de dollars.
Les ventes de Basquiat auraient-elles commencé à baisser, lui qui est l'un des rares artistes dont les prix ont dépassé les 100 millions de dollars aux enchères ? Selon le site Artnet, ses ventes ont chuté de moitié en 2022.